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Thèse :


Ce rapport porte sur l’étude des œuvres de " Karl Waldmann " et nous rappelons brièvement les éléments en notre possession :

- découverte en automne 1989 d’un millier d’œuvres signées " KW ", certaines (une vingtaine) signées en entier " Karl Waldmann ", et non datées, à Dresde en Allemagne de l’Est
- une recherche superficielle n’a pas permis aujourd’hui d’identifier l’artiste de manière certaine (date de naissance, lieu de vie, relations familiales, etc.)

Les œuvres ont été numérotées au dos avec un cachet KW0001, KW0002, etc. par le découvreur des œuvres, un journaliste français. Cela a pour conséquence que tout œuvre de KW sans ce N° est un faux ou provient d’un autre lot que celui découvert à Dresde en 1989. A ce jour, aucune autre œuvre n’a été "découverte".

Nous partons d’une certitude, une des seules que nous possédons : la découverte en novembre 1989, juste à la chute du mur de Berlin, de 1200 œuvres signées " KW " à Dresde.

Rappelons brièvement la circonstance de la découverte :

Un journaliste français est présent lors de la chute du mur de Berlin et dans les jours qui suivront. Un Marché dit " des Polonais " (cfr. texte sur migration Europe de l’Est PDF) va naître à Berlin où des gens de l’Est (russe, polonais, ukrainien, allemand de l’Est) vont venir vendre des objets (montres, insignes communistes, porcelaines, matériel militaire, etc.) afin de se faire de l’argent. C’est la première fois que cette occasion leur est donnée depuis 1945. Un des marchands vend, parmi une multitude d’objets, des porcelaines " constructivistes " et 2 œuvres sur papier de KW. Le journaliste, dont le but n’est pas le commerce mais l’intérêt impulsif pour un objet qui l’attire, lui demandera s’il en possède d’autres. Il sera amené dans la soirée par le marchand dans la banlieue de Dresde, dans un appartement où sont entassés porcelaines, tableaux expressionnistes allemands sans signature reconnaissables mais de qualité et dans un coin des cartons remplis d’œuvres sur papier de KW. " Qui est-ce", lui demandera le journaliste ? Aah ! der Verrückte ( le fou) s’exclamera le marchand. Il dira que c’est un cousin éloigné, parti avec sa femme russe il y a longtemps et qui ont disparus pense-t-il dans un camp de travail, sans autre précision. Il n’attachait aucune importance à ces " cartons ", mais plutôt à son commerce de porcelaines et d’autres objets plus attractifs commercialement selon son point de vue.

Un rendez-vous sera pris ultérieurement, vu les difficultés de passer les frontières, entre le marchand et le journaliste, vivant actuellement en France, et il emportera l’ensemble des cartons contenant les KW. Jusque l’an 2000 il les conservera, tout en les numérotant et en commençant une ébauche de compréhension. Les œuvres seront transmises avec son accord, et avec sa collaboration toujours effective, au musée virtuel Karl Waldmann qui sera créé avec l’intention d’étudier l’œuvre et de la préserver.

Notre étude commença par une recherche sur les premiers éléments en notre possession (les œuvres) mais aussi sur l’homme lui même. La première intuition sera de contacter les autorités de Dresde (musée, commune, archives, bibliothèque, etc.). Vu que cette première recherche très rapide n’a pas donné ses fruits, une question vient à l’esprit et est d’ailleurs posée par des tiers: n’avons-nous pas à faire à un ensemble d’œuvres " fabriquées " après coup dans un but financier. Cette manière de questionner à contrario nous a paru intéressante justement pour entamer une étude de l’œuvre et aussi, par après, sans à priori, l’abandonner vu la fausseté de son contenu, car sans fondement après étude du matériau premier : les œuvres.

Notre expertise scientifique va donc se faire sur une base probabiliste, en l’absence de vérités déterministes, à la manière des sciences exactes. Et pour nous guider dans cette démarche, nous prendrons comme base une antithèse, à laquelle nous ne souscrirons pas dans le futur.

L’antithèse que nous proposons pour l’authentification est la suivante : nous avons affaire à une " supercherie ", à une " fabrication " d’œuvres pseudo constructivistes par une personne inconnue et dénuée d’une volonté de création, à une date qui précède la chute du mur. Nous démontrerons que cette thèse est caduque à plusieurs niveaux et degrés de compréhension.

La motivation d’un " faussaire " ne peut être que financière, cela tombe sous le sens. Historiquement, rappelons que personne en 1989 ne prévoit la chute du mur et l’ouverture d’un commerce possible entre l’est et l’ouest. La seule possibilité aisée d’un commerce est l’ouverture des frontières. Il faut donc préparé son " coup " et être au parfum de cet événement politique, ce qui est hautement improbable.

De plus le nombre très important des œuvres, dont la seule vision implique la reconnaissance d’un temps de fabrication long, empêche cette possibilité.
Le nombre est donc un élément déterminant dans notre sentiment, notre intuition, que nous avons affaire à un artiste réel dépourvu de toute mauvaise intention. (par comparaison, K. Schwitters a produit environ deux milles collages au cours de son existence artistique (cfr. Dr. Karin Orchard, Kurt Schwitters Archiv, Sprengel Museum Hannover). Nous pouvons remonter le temps, à partir de novembre 1989 (date certaine de la découverte), et imaginer le temps nécessaire pour la production d’une telle quantité d’œuvres, qui nécessitent des matériaux tellement divers que sa réalisation n’est possible qu’en plusieurs dizaines d’années, d’autant plus que les œuvres sont productrices de sens.

Le mobile financier n’existe pas non plus puisqu’il n’y a pas eu de transaction financière importante entre le vendeur, un cousin de l’artiste (sa parenté n’a pas été établie de manière certaine), et l’acheteur, un journaliste amateur d’art dont l’achat fut " impulsif " et imprévu.

Il est évident que la notion de " faux " n’a aucun sens, et est même malhonnête par toute personne qui l’emploierait à propos de ces œuvres signées " KW " car il n’y a aucun détournement d’une signature d’une célébrité du monde artistique ( K Schwitters, Haussmann, Rodchenko, etc..) et ne possède aucune valeur qui pourrait faire l’objet d’un commerce juteux ! L’intérêt en 1989 pour le constructivisme n’existe pas (ou presque pas) et des œuvres apparentées à ce courant n’ont aucune valeur réelle sur le plan monétaire.

Si nous abordons l’œuvre sous l’angle " à la manière de ", non seulement le mobile financier n’existe pas en 1989, mais ce serait un jugement rapide et gratuit, voire mal intentionné, car précisément les œuvres ne sont à la manière de personne. Une simple étude iconographique, fondée sur le regard de 1200 œuvres de KW, et précédée d’une connaissance approfondie de l’Histoire de l’Art (1915-1960) tant en Allemagne qu’à l’Est montre que les œuvres ne peuvent s’identifier à aucun artiste connu. Si les thèmes abordés (politique, cinéma, etc.), la technique employée (à savoir le photomontage), les icônes reprises (singes, bébés, boxeurs, etc.), les aspects iconographiques ( ligne rouge, couleurs, etc.) sont bien communs à cette époque et que cet artiste est donc bien de son époque et influencé par les courants en vigueur, il n’en est pas moins original par sa manière de " coller ", par ce mixte entre l’emploi du journal ou de la photo et de la gouache, par son caractère plus politique voir anarchiste que les autres, par sa mise en avant de la " femme " qui en fait certainement une de ses caractéristiques; l’œuvre dans son entièreté possède une identité propre indéniable. J’en profite pour noter à cet endroit de l’expertise, qu’en absence de date certaine, personne ne peut prétendre l’identification de la totalité de l’œuvre de KW. Les 1200 œuvres étant retrouvées à un même endroit laisseraient supposer que nous avons affaire à une période précise de l’artiste.

Plusieurs hypothèses s’offrent à nous sur l’identité de l’artiste : 1) soit il s’appelle bien KW, 2) soit c’est un pseudonyme 3) soit un nom attribué par un tiers de sa propre initiative (il ne faut négliger aucune piste, bien que le " cousin " ait parlé de " Karl Waldmann " à l’attention des œuvres contenues dans les cartons).
Dans le premier cas, nous buttons sur son lieu de résidence puisque aucune recherche dans les archives de Dresde n’a permis d’identifier un KW qui lui correspondrait (précisons que tout n’a pas été fait dans ce domaine et dans une région plus étendue que celle de Dresde). Mais personne n’a affirmé qu’il fût d’origine de cette ville. Sachant que sur de nombreuses œuvres figurent l’écriture, la sensibilité et les journaux ukrainiens et russes, les œuvres peuvent très bien venir d’un autre lieu et avoir été transportée à Dresde par le vendeur.
Il viendrait donc d’ailleurs : par exemple la partie allemande de la Pologne puisque beaucoup d’œuvres y font référence, ou immigré en Ukraine. Il reste encore énormément à faire dans ce domaine et dans les archives de différents endroits avant de déclarer forfaits.

Mais alors comment s’expliquer la découverte des œuvres à Dresde ? Il est indéniable que KW ait un rapport avec cette ville, sa région, son influence et son rôle politique et esthétique sans pour cela comprendre lequel et le pourquoi de la présence des œuvres à cet endroit. Il est aussi évident, à la lecture de leur contenu, qu’elles représentaient un énorme danger pour son créateur vivant sous un régime communisme.
Nous pouvons affirmé qu’elle furent créés par une même individualité, grâce à l’observation des œuvres qui présentent une très grande unité plastique. Elles semblent toutes dépendre d’une même " maîtrise " de la découpe, d’une conception spatiale identique. Rien ne nous permet d’affirmer de manière scientifique pour l’instant qu’il s’agit de l’ensemble de la production de l’artiste et que celle-ci s’étendrait entre les années 20 et les années 50. Il y a même l’existence d’une seule toile (n° d’inventaire 0136), dont nous possédons la photo, mais qui fut détruite par accident après la découverte, et dont la maîtrise nous permet de supposer qu’il ne s’agit pas de la première et de l’unique toile de l’artiste mais qu’elle est le résultat d’une évolution de toiles qui l’auraient précédée et dont pourtant nous n’avons aucune trace ni connaissance. Il pourrait donc exister d’autres œuvres de KW non connues puisque détruites ou non encore découvertes.
Selon la seconde hypothèse, Il est inutile de préciser que si l’artiste a employé un pseudonyme, la recherche sur l’identité de l’artiste devient extrêmement difficile car nous manquons cruellement de point d’accroche pour avancer : le " nom " même étant la ligne de toute recherche dans un cas aussi difficile.
Quant à la 3ème hypothèse, la présence à Dresde d’un nombre important d’œuvres non signées à une époque donnée se situant avant 1989 et signée par un tiers de manière posthume à l’artiste, elle n’est pas à exclure non plus et n’enlève d’ailleurs rien à la qualité indéniable de l’œuvre reconnue par tous. Cette hypothèse d’œuvres signées de manière posthume est cependant peu envisageable. Nous appuyons cette assertion par l’étude graphologique de l’ensemble des signatures des œuvres, qui présentent une évolution, des différences d’humeur, des outils différents, et des particularités comme des signatures au verso, à droite, à gauche, etc. et donc sans aucune systématisation.

Notons aussi que, dans le champ des hypothèses, celles que KW soit une femme, ou qu’il soit un artiste reconnu dans un genre particulier autre que celui-ci et qu’il aurait produit cette œuvre sans la montrer pour des raisons politiques et sécuritaires, n’ont pas été exclues.

Il est important d’attirer l’attention du lecteur sur le fait que des " artistes ", principalement à l’ Est, dans cette période allant de 1933 à 1989, furent nombreux à ne pas signer leur œuvres, ni les dater, pour des raisons sécuritaires. Et même sans relever cette précision, l’Histoire de l’Art est jalonnée d’œuvres importantes sans que soit connu l’identité de son auteur. Un exemple parmi des centaines d’autres celui de Agueev, auquel KW fait référence dans les œuvres 0665 et 0763 . On ne sait quasiment rien de l'auteur russe du " Roman avec cocaïne ". Sa biographie s'écrit au conditionnel : il aurait quitté la Russie après la Révolution d'octobre 1917, aurait ensuite été vu en Allemagne, puis en Turquie, d'où il aurait adressé son manuscrit à Paris, parut initialement dans la revue Nombres, organe de la première émigration russe à Paris en 1934. On multiplia les conjectures, s'empressa de l'attribuer à un agent secret, à un certain Mark Lévi, et jusqu'à Vladimir Nabokov. Puis on perd définitivement sa trace, en 1934, date à laquelle la revue Rencontres publia sa nouvelle intitulée Un sale peuple , et nonobstant quelques enquêtes ultérieures, on n'apprendra rien de plus.
Sa biographie est étrangement similaire par son contenu inexistant à celle de Waldmann.

L’ensemble de ces interrogations restées sans réponse certaine ne nous éloigne cependant pas de notre expertise qui ne peut à cet instant toucher à sa fin sur la seule base d’un nom, d’une identité ou d’une date. Explorons le contenu des œuvres tant sur le plan sémantique que sur le plan des matériaux utilisés.

L’analyse sémantique est fondamentale pour une expertise véritable et elle nous apparait comme la seule possible actuellement. On ne peut s’encombrer d’une paresse intellectuelle qui affirmerait l’existence d’un artiste sur la seule base d’une bibliographie existante, de traces juridiques ou administratives, et qui ne poserait pas les vraies questions hors de " l’écrit ". Nous allons mettre en avant des observations qui viendront éclaircir nos différentes hypothèses ou contre hypothèses précédentes.

Nous constatons au fur et à mesure de l’étude des œuvres qu’elles ont un sens politique appuyé et ce au sens large. Il ne s’agit pas de faire " joli " ou du constructivisme " à la manière de… ". Mais elles dénoncent, révèlent, parlent de faits historiques précis et parfois insignifiants (quelques exemples au hasard : les œuvres 0246, 0281, 0897, 0470, 0757, 1056). Elles n’illustrent pas seulement des thèmes généraux comme la Shoah, la guerre, le fascisme, Hitler (inspiration à la portée de tous plusieurs années après leur déroulement), mais mettent en avant des faits très précis, qui n’ont pas beaucoup d’importance à l’époque à laquelle ils se déroulent, et oubliés presque immédiatement, sauf peut-être par quelques historiens très pointus. Cela accréditent la thèse que les œuvres sont réalisées de manière contemporaine aux faits ou quelques années après et accréditent leur authenticité quant à la date de fabrication. Si il n’y a pas de date apposée en même temps que la signature il y a par contre des éléments de date manifeste dans l’œuvre elle-même par la présence d’un chiffre qui correspond au faits dont l’œuvre parlent ( ex : 0501, 0779). Il y a aussi, au verso de certaines œuvres, des chiffres ou annotation comme " Angel 42 " (0509) au crayon qui n’apportent rien à l’œuvre si ce n’est par son titre, et le lien avec d’autres œuvres où le mot " Angel " revient, une signification cohérente, une préoccupation pour un thème.

A travers les 1200 œuvres, ils existent aussi des " séries " (soit par leur thème, soit par leur support), bien reconnaissables, qui attestent d’une volonté de création et surtout d’une temporalité qui construit un parcours artistique. ( 0200 , 0259 , 0360 0870 , 0100, 0328 , 002 , 0704 , 0378 , 1002 , 0751a , etc)

Plusieurs œuvres où des croix gammées apparaissent de manière importante démontrent le côté non commercial des œuvres (comme les œuvres où apparaissent des juifs décharnés) et les rendent difficilement négociable (0376, 0377, 0378, 0379, 0381, 0420, 007,0121 etc.). Il est évident que la " croix gammée " a pris une connotation douloureuse voire insoutenable après guerre et que sa seule utilisation graphique, si ce n’est pour les partisans de l’ordre qu’elle suggère, est porteuse de réaction, de sens, et aussi de danger. D’une part, il serait ridicule de l’utiliser pour faire du constructivisme séduisant et vendable (et la thèse de " la fabrication après coup " ne tient à nouveau pas la route) ; d’autre part elle implique la reconnaissance du danger encouru par l’artiste, même si son utilisation est critique par rapport au nazisme, dans une Allemagne de l’Est qui ne fait pas dans le détail ou l’interrogation subtile. Surtout que la critique du nazisme chez KW n’est pas de l’ordre de la propagande communiste anti-nazie mais est subtile, voilée, suggestive, métaphorique et forcément incompréhensible par un agent de la Stasi qui ne verra derrière l’œuvre qu’un dangereux agitateur néo-nazi par la seule présence de l’icône emblématique de ce régime (ex : 0596, 1055,0818, etc.).

Le verso des œuvres démontre aussi la maniaquerie de KW : au dos de plusieurs d’entre elles figurent des annotations, d’autres collages, des précisions, en rapport avec ce que l’œuvre révèle au recto (0303, 0393, 0439, 0799, 0480, 551, etc.). Il nous semble évident également qu’un homme dénué d’une volonté de création ne prendrait pas la peine de se préoccuper du verso, son seul but étant de produire une " belle " œuvre négociable. Au contraire, cette particularité révèle une face de la personnalité de KW, précis et méticuleux, qui ne colle pas un papier sans qu’il n’y ait du " sens ". C’est précisément l’ analyse sémantique des œuvres qui démontre et la vérité de l’œuvre, et son authenticité.
Sans doute ultérieurement sa beauté, car nous ne croyons pas à une beauté vide mais à une adéquation entre " vérité " et " beauté ", mais cela est une appréciation subjective qui ne rentre pas dans notre expertise.

La diversité des matériaux pour la réalisation de ses collages est conséquente. Ce ne sont pas uniquement des journaux (italiens, russes, allemands de diverses villes, ukrainien, français, autrichiens, américains, etc.), mais des photos, des cartes postales, des cachets, des timbres, des actions bancaires, des manuels techniques, des revues d’ethnographies, de cinéma, de propagande et autres documents parfois rares. Il utilise par exemple une carte postale du village où est né Hitler et le cachet est la date anniversaire de la naissance de Hitler (20 avril 1938, œuvre 0380). La diversité des documents est si conséquente et leur utilisation si précise quant au sens, que seul " le Démon de Laplace " pourrait les réunir et les conserver ensemble dans une cave en vue de produire l’impensable : une oeuvre d’art totale, évolutive, complète, en questionnement, avec du sens, une finalité, une affirmation d’idées plastiques, une révolte, un cri sourd dans les abîmes de la " disparition " orchestrée par les Etats totalitaires. Plusieurs de ces documents sont devenus rares après les années 1950. Il nous semble évident que ceux-ci ont été réunis progressivement, au cours des années de création, en les choisissant en vue du message que l’œuvre devait délivrer. Posséder des matériaux anciens et les coller avec de la colle arabique peut se faire aujourd’hui, mais cela ne tient pas compte de la diversité, du sens, et de l’unité. Nous précisons à cet endroit qu’aucun document d’après 1958 n’est présent dans les œuvres: la réalisation de 1200 collages " après coup " devrait donné lieu à des erreurs ou à des maladresses quant à la date des matériaux utilisés or ce n’est pas le cas. Nous insistons toujours sur l’analyse sémantique puisque nous savons aussi que l’ancienneté des matériaux n’est pas un argument en soi et que, bien que ceux-ci et les supports soient anciens, des éléments contemporains (datant d’après 1989) ont été utilisés par le découvreur pour sauvegarder les œuvres (fixatif, colle laque, etc..) avant de nous les confier dans les années 2002. Une expertise chimique, en particulier celle de la colle, est brouillée par cette intervention extérieure et posthume à 1989. Ce type d’expertise devrait se faire non pas sur une œuvre mais sur 1200 et ne nous apprendrait rien de manière certaine, d’autant plus que plusieurs œuvres ont été produites assurément entre 1945 et 1958 d’après leur contenu.

Conclusion

Le travail de la compréhension des œuvres est loin d’être clos, d’autant plus qu’elles nous apparaissent comme un rébus duquel il faut extraire l’histoire et qui confirmera le sens de l’œuvre par la suite. Depuis la publication du site web, des livres, de quelques expositions, de nombreux articles de presse (dont la publication en mai 2005 par le Monde Diplomatique d’une sorte de " perdu de vue " par la reproduction d’une dizaine d’œuvres dans toutes ses éditions françaises et étrangères), de quelques recherches dans des archives diverses, rien n’a été découvert sur l’homme et sa vie. L’énigme reste donc entière et l’hypothèse qui nous paraît la plus réaliste est que KW ne fut pas un " artiste ", sous un régime social déclaré, avec une volonté propre d’exister en tant qu’artiste, avec tout ce que cela implique comme rapport à l’Ego, sa valorisation, sa mainmise " dans le monde ", son acceptation du " Monde " en tant qu’artiste agissant, contestant, en marge ou non. La conséquence est que nous ne trouvons aucune trace de lui ni d’exposition en temps qu’artiste.

Nous pensons aujourd’hui, a posteriori, qu’il s’inscrit dans une " marge " totale et radicale mais nous ne savons pas si elle fût pensée et comment elle fût vécue. Peu importe cette volonté et la manière dont nous devons la considérer, nous pouvons établir un rapport entre la vérité d’une création et la vérité d’une existence. Il aurait produit cet œuvre pour lui-même, tout en ayant peut-être une autre activité. La richesse de son œuvre citant notamment la médecine, l’architecture, le cinéma, la littérature, peut nous suggéré qu’il exerçait dans l’une de ces disciplines.

KW n’a pas été redécouvert en 1989 mais découvert. Il reste beaucoup à faire pour cerner l’oeuvre dans son entièreté et sa profondeur ainsi qu’établir une biographie de l’homme et une recherche sur son identité, car tout n’a pas été fait en ce domaine.

"Wenn wir über das Kunstwerk den Künstler vergessen können, damit ist dieser am feinsten gelobt." "Un artiste est vraiment valorisé quand nous l'oublions dans son travail." Gotthold Ephraim Lessing, (1729 - 1781), écrivain allemand, philosophe des Lumières.

Cette phrase intervient dans une oeuvre de KW (N° 0646)